Les grands vins, les bouteilles mythiques, les noms qui imposent le respect et évoquent l’excellence, la finesse absolue, le raffinement œnologique ; les Château d’Yquem, Château Margaux, Château Mouton Rothschild, Petrus, Cheval Blanc ou la Romanée Conti occuperont-ils à jamais les premières marches du classement collectif des grands vins ? Ces grands vins que l’on met à toutes les sauces, dont on parle, dont on rêve, que l’on surestime parfois. Mais qu’est-ce qu’un grand vin ? Un bon vin ? Un vin rare ? Un vin cher ? Un vin connu ? Un peu tout ça, sans doute.


Une histoire de goût mais pas que !

Si le goût joue un rôle principal, un grand vin se juge également d’un point de vue technique. En effet, certains éléments relèvent de faits, de caractères tangibles, mesurables : à la dégustation, on pourra déterminer l’équilibre du vin (entre les tannins, l’alcool et l’acidité), sa longueur en bouche ou encore son potentiel de garde. Autant de marqueurs de la qualité, indépendamment du goût.

Une rencontre avec le vigneron ou une visite du domaine vous en apprendront davantage sur le processus de fabrication du vin. Les données recueillies sur le travail à la vigne et au chai permettront d’indiquer l’effort qui aura été consenti pour l’élaborer et, potentiellement, sa capacité à vieillir, ses caractéristiques, ses vertus.

De manière plus subjective, un grand vin est celui dont tous et particulièrement les amateurs s’accordent à dire non seulement qu’il est bon mais aussi qu’il est fait pour durer. C’est le temps, d’une certaine manière, qui va lui accorder sa noblesse, sa majesté. Lors des dégustations, on parle ainsi souvent de futurs grands vins. Ils sont trop jeunes, certes, mais attendez un peu, vous verrez ! Et si tout le monde l’évoque, le vin devient célèbre, acquérant une nouvelle aura qui le distinguera de la masse.

Enfin vient le goût, caractère subjectif qui évolue comme les tendances culinaires. Aujourd’hui, la fraîcheur et la délicatesse d’un vin sont privilégiées aux jus puissants, sur-extraits et chers à Robert Parker. Peut-on dès lors en conclure que les grands vins d’hier ne sont pas forcément ceux de demain ? Tout reste une question de goût ;-).

Un grand vin, un vin rare ?

Si le temps est un élément crucial pour définir la rareté d’un vin (au plus le temps avance, au moins de bouteilles sont disponibles), les vins produits en petite quantité ou dont la demande dépasse largement l’offre deviennent également rares. Cette rareté renforce le statut de ce vin qui peut devenir mythique. Les vins de la Romanée-Conti, le Château Rayas, Petrus, Le Pin, Rougeard en sont le parfait exemple avec leurs délicieuses bouteilles devenues introuvables et qui s’arrachent à prix d’or.

Un vin qui vaut son pesant d’or

Dès lors, les prix s’envolent. C’est une simple loi économique. Un grand vin ne l’est plus seulement par ses merveilleux arômes, il l’est aussi parce qu’il devenu recherché et donc cher. Attention cependant à ne pas faire monter les enchères artificiellement : une bulle dite spéculative peut se former et éclater. Les premiers Grands Crus Classés de Bordeaux ne se vendent plus si facilement. Trop, c’est trop, et les marchés traditionnels s’en éloignent.

Certaines régions, elles, se détachent naturellement. La Bourgogne, ou la vallée du Rhône septentrionale par exemple. Les parcelles sont petites, les productions sont minimes, et l’on y produit un vin de qualité. Les grands crus de la Romanée, les Musignys, les Chambertins sont depuis toujours reconnus pour leurs terroirs magnifiques. Mais il n’y a pas si longtemps, on se servait des Hermitages pour corser les vins de Bordeaux. Les temps ont bien changé. Aujourd’hui, il ne viendrait à l’idée de personne de renforcer un petit Pauillac avec du Jean-Louis Chave ! Au sein même des appellations, la roue tourne : les grandes Côtes-Rôties de Guigal (la Landonne, la Mouline et la Turque) ou de Chapoutier sont moins courues qu’il y a 15 ans, au profit des cuvées des domaines Jamet ou Gangloff.

Oser la curiosité

L’amateur est curieux. Il s’aventure, parcourt des chemins autrefois inexplorés. Depuis 20 ans seulement, le Languedoc a ses faveurs. Peyre Rose, la Grange des Pères. Il passe les frontières. Il choisit des bouteilles de Toscane, du Piémont, et même d’Amérique ou d’Australie. Les Massetto, les Ridge, les Grange.

Des régions émergent encore, on y déniche des pépites, on se passe le mot. Leur légende grandit, propre à les élever au rang de Grand du vignoble. Les sommeliers s’arrachent désormais les vins du Jura ou de Savoie, les cabernets de la Loire. Grandissent les vins de Pignier, de Tissot, de Belluard ou des Ardoisières.

Mais le plus grand vin, quoi qu’il advienne, c’est celui que vous aurez adoré, celui qui vous aura surpris et peut-être envoûté. D’Italie, de France ou d’ailleurs, du Grand Cru impayable au petit côtes-du-rhône, le grand vin, c’est celui dont vous vous souviendrez toute votre vie.