La littérature concernant l’accord des mets et des vins ne manque pas, et le sujet semble intarissable. Toutefois, entrer en scène aux côtés des plats les plus raffinés n’est pas un honneur réservé uniquement aux vins et champagnes. Le whisky a toute sa place sur les meilleures tables, à condition de respecter quelques principes pour éviter de s’anesthésier les sens dès l’entrée des artistes. Voici quelques suggestions pour profiter pleinement de l’expérience gastronomique d’un repas au whisky.

Les préparatifs

Le whisky est un spiritueux, nous n’y sommes pas tous habitués, et il faudra bien tenir compte des quantités que l’on peut assimiler. Pour une première expérience, limitez-vous à 3-4 whiskys différents pour accompagner le repas. Un pour l’entrée, un pour le plat, un pour le dessert et un dernier pour finir en beauté. Pour les plus aguerris, on pourra être plus ambitieux et choisir deux whiskys pour l’entrée et deux whiskys pour le plat, ce qui fera un total de 6 flacons à découvrir.

A table, prévoyez de simples verres à vin de petite taille même si l’idéal reste des verres à whisky de dégustation, légèrement plus étroits sur le dessus afin de concentrer les arômes. Les whiskys peuvent être servis à l’avance, à condition de les couvrir avec un couvercle à whisky, ou simplement un carton de bière. Ainsi, les arômes ne se mélangeront pas. Les whiskys pourront ainsi être dégustés dans des conditions identiques, ce qui permettra une comparaison plus juste.

Il faudra également de l’eau, beaucoup d’eau, à température ambiante, idéalement de source, mais le principal est qu’elle ne soit pas trop aromatique ou minérale comme la Spa Reine par exemple. Cette eau permettra de rincer et apaiser les papilles entre les différentes gorgées de whisky. Et quelques gouttes ajoutées dans les whiskys permettront de les diluer légèrement, favorisant l’expression de certains arômes, et diminuant le taux d’alcool du noble breuvage.

Pour la dégustation en tant que telle, 3-4 centilitres suffisent. Attention, veillez à ne pas plonger le nez directement dans le verre, pour éviter de se brûler les parois nasales. Tenez le verre à hauteur du menton pour apprécier toute la complexité aromatique. Et accumulez un peu de salive en bouche avant de boire afin de protéger les papilles de la brûlure de l’alcool.

Les whiskys entrent en scène dans un ordre précis, du plus subtil au plus puissant, du non tourbé au plus tourbé, des Lowlands aux Highlands, des degrés alcooliques les plus bas aux plus élevés. L’idée étant la même que pour le vin : on veut éviter que le dernier verre ne soit effacé par la puissance du précédent.

whiskyAccorder les mets et les malts

La gamme des accords possibles entre les plats et les whiskys est un peu plus limitée que pour les vins. Ne serait-ce qu’à cause de la richesse alcoolique du whisky qui nécessite des goûts puissants pour lui résister. Mais il y a néanmoins quelques accords particulièrement savoureux.

Les huîtres et les poissons crus

    • La puissance du parfum iodé d’une huître se mariera parfaitement avec un whisky des Highlands aux notes maritimes et iodées. Il en va de même pour les poissons crus.

Le saumon fumé

    • Un grand classique. C’est évidemment le côté finement fumé du saumon qui va commander les accords. On peut opter pour des whiskys au caractère fumé affirmé dans une approche ton sur ton, ou pour des whiskys plus floraux, peu fumés, au caractère un peu vif, dans une approche en opposition.

Le homard

    • Pensons produits locaux pour un mariage réussi. Du homard, accompagné d’une salade agrémentée de quelques graines de malt grillées et relevée d’une vinaigrette au whisky. L’accord sera divin, quel que soit le whisky d’une puissance moyenne. De même, les crevettes et langoustines accompagnées d’une délicate sauce cocktail feront un carton.

Gibier à plumes

    • La célèbre grouse écossaise n’est pas née au pays du whisky par hasard ! D’une manière plus générale, tous les gibiers du type faisan, perdreau, grouse, ou canard sauvage cuisinés avec des champignons, seront bien accompagnés par les whiskys aux notes d’humus ou de bruyère. On se dirige donc vers les Highlands aux notes épicées, d’humus et de genêts qui seront les mieux adaptés.

Le roquefort

    • Ici, la puissance du fromage appelle évidemment des whiskys puissants, gras, fumés, très tourbés. Par exemple ceux de Lagavulin, Ardberg, Ballechin ou Port Ellen, un grand nom devenu très rare.

Canard confit et foie gras

    • On cherche des notes de noix, de sherry, de pralin. La région de prédilection sera le triangle d’or du whisky, le Speyside qui concentre le plus grand nombre de distilleries en Ecosse et qui produit en général des whiskys ronds et doux qui s’accorderont parfaitement avec un confit de canard ou un foie gras. Parmi les très nombreuses marques de cette région, on peut citer Glenfarclas, The Balvenie, Cardhu ou The Macallan.

Pour en mettre plein la vue à vos convives, Eric Boschman nous suggère carrément de servir le whisky congelé avec un foie gras grillé. Pour cela, prenez un whisky au taux d’alcool faible, plutôt fruité, mettez les verres au congélateur pendant 24h (il faut descendre à -20° C pour qu’un whisky à 40° commence à se solidifier) et servez en accompagnement. Le whisky froid et sirupeux peut encore se boire, mais c’est seulement quand vous l’aurez avalé et donc réchauffé qu’une douce sensation de chaleur vous envahira et que les arômes referont surface. A essayer !

Cuisine asiatique

    • Sur certains plats de la cuisine asiatique, particulièrement la cuisine thaïe ou indienne, sur des plats au curry par exemple, certains whiskys aux notes évoquant les vins jaunes du Jura seront à leur aise. Par exemple les whiskies très typés de Brora et d’une manière générale la plupart de ceux produits sur l’île d’Islay qui ont souvent un caractère affirmé capable de résister aux épices, comme Ardberg, Bunnahabhain, Lagavulin, Laphroaig ou le rare Port Charlotte.